SEPT.info : Pas de l’actu mais de l’info !
Voici un an, le journaliste Patrick Vallélian lançait Sept.info grâce au mécénat de Damien Piller. Cette nouvelle offre médiatique romande se présente sous la forme d’un site payant et d’un magazine. La diffusion de ce dernier, jusqu’à présent hebdomadaire, est mensuelle depuis le mois de mai. De quoi offrir plus de place aux reportages et aux annonceurs. Retour d’expérience…
Patrick Vallélian, vous étiez un journaliste reconnu au sein de la rédaction de L’Hebdo, pourquoi avez-vous décidé de quitter un grand groupe de presse pour lancer un nouveau média dans un marché saturé ?
Damien Piller m’a contacté car il voulait racheter l’Objectif Fribourgeois et souhaitait m’en confier la rédaction en chef ; j’ai décliné. Mais lorsqu’il est revenu vers moi en me parlant d’un projet numérique, j’y ai vu la parfaite occasion d’appréhender ces nouveaux médias (web, réseaux sociaux). Face à la chance d’apprendre, le risque pèse peu.
Dès le départ, ce projet comprenait un site et un magazine. Pourquoi ne pas avoir opté pour du tout numérique ?
Damien Piller avait finalement racheté L’Objectif Fribourgeois, nous avions par conséquent des abonnés. Par ailleurs, en partant avec un site payant, proposer également un support papier était un argument rassurant pour les annonceurs.
Pourquoi avoir opté, dans un premier temps, pour un petit format et une diffusion hebdomadaire ?
Nous n’avions pas les moyens de faire autrement. L’expérience nous a montré que ce petit format n’était pas très efficace en kiosque. La périodicité hebdomadaire était également une contrainte pour une petite rédaction. Au bout d’un an, nous avons convenu que la meilleure formule était celle d’un mensuel au format magazine. Notre titre est vendu via le réseau de Naville, des kiosquiers indépendants et les librairies Payot.
A combien d’exemplaires tirez-vous ?
Notre tirage est de 10’000 exemplaires et nous avons déjà 1’500 abonnés. Le nombre d’abonnements augmente de 100 chaque mois. Le magazine dans son intégralité est mis en ligne et, dès septembre, nous allons proposer une application qui offrira de la réalité augmentée. Le lecteur pourra ainsi consulter du contenu ou voir des publicités enrichies.
Pourquoi avoir opté pour un site payant avant d’avoir réuni une communauté autour de votre marque média ?
Cette question a été centrale dans l’élaboration de notre concept. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs rédactions de médias online afin de leur demander quelles avaient été les erreurs qu’elles avaient commises et qu’elles ne referaient plus si elles pouvaient repartir de zéro. Toutes m’ont répondu : la gratuité. Partant de zéro, il était plus facile d’établir un paywall – et également plus risqué puisque nous n’étions ni connus ni attendus. Mais en un an nous sommes arrivés à générer de 60 à 80’000 vues mensuelles, des vues qui sont vraiment qualifiées.
Parlons contenu. Quelles sont les thématiques abordées par Sept ?
Notre proposition est d’offrir des histoires qui ont un impact au travers de récits, de reportages, d’enquêtes, de photographies, etc. Nous ne cherchons pas à coller à l’actualité, nous faisons de l’info. Notre singularité tient à la place que nous laissons au récit, aux histoires inédites qu’elles soisnt d’ici ou l’ailleurs. Afin d’être le plus libres possible, nous ne nous sommes pas imposés un chemin de fer strict, chaque édition peut donc être différente. Et nous avons essayé de reproduire la liberté que nous offre notre site sur le papier.
Quelles sont vos forces rédactionnelles ?
Nous sommes au total 15 personnes, marketing inclus : 5 à 6 journalistes à 100% et 8 à temps partiel. Nous nous appuyons également sur un réseau d’indépendants.
Pourquoi avoir tenu à créer une rédaction en un lieu « réel ». Une rédaction virtuelle n’aurait-elle pas été plus adéquate et moins chère ?
Sept se veut un laboratoire, et l’on aurait pu croire que la dématérialisation pouvait être la solution la plus appropriée. Mais force est de constater que la création d’un hebdomadaire ou d’un mensuel nécessite la dynamique d’une rédaction, notamment pour la création d’infographies, de vidéos, etc. Pouvoir disposer de compétences techniques à demeure offre un gain de temps et d’argent.
C’est sur le choix de la technologie que nous avons été agnostiques. Chaque journaliste travaille avec son matériel (ordinateurs, mobiles, caméras). Nous visons la qualité et, compte tenu de notre taille, nous n’allions pas imposer des outils.
Le mécénat est-il un business model valable sur le long terme ?
Nous avons cinq ans pour arriver à la rentabilité. Un laps de temps qui est à la fois long et court. Notre approche étant évolutive, nous n’allons pas attendre la fin de cette période pour agir. Après le magazine mensuel et l’application, nous réfléchissons notamment à diverses pistes possibles, parmi lesquelles un développement dans les pays francophones.
L’enjeu en valait-il la chandelle ?
Et comment ! Quoi qu’il arrive, je pourrai toujours me dire que je l’ai fait. Au début, beaucoup n’ont pas compris, mais maintenant que Sept est pris au sérieux, je me dis que j’ai énormément de chance de pouvoir apprendre en agissant. Ce n’est pas la voie la plus facile, mais c’est la seule pour la presse écrite.